Par Jacqueline Zoutene, l’Alliance biblique du Cameroun
Le 4 juin dernier, les montagnes de Mogodé, dans l’extrême nord du Cameroun, ont connu la plus grande affluence de leur histoire, alors même que tout rassemblement est d’habitude interdit pour raison de sécurité. Dans cette zone située à quelques mètres de la frontière avec le Nigeria, la secte Boko Haram commet en effet des raids meurtriers.
250 soldats
Une autorisation spéciale avait donc été obtenue pour que tous ceux qui le souhaitaient puissent venir assister au lancement de la Bible en kapsiki – et quelque 250 soldats avaient été envoyés pour les protéger, sous la direction personnelle du général des forces armées basées dans la zone.
Dès la veille, la parade était celle des grands jours. Même les arbres de Mogodé étaient décorés pour saluer l’arrivée de la Bible, hôte de marque par excellence. Tout au long du trajet depuis Maroua, siège de l’œuvre biblique dans la région, la délégation de l’Alliance Biblique du Cameroun, conduite par le Directeur Général, Luc Gnowa, et protégée par de nombreux militaires, a été accueillie en grande pompe. Dans chaque village kapsiki traversé, les habitants, qui attendaient le passage du cortège de la Bible, laissaient éclater leur joie.
C’est à Mogodé, la ville de la dédicace, que la mobilisation a atteint son point culminant. Le camion militaire qui transportait les bibles s’est arrêté devant l’église catholique entourée d’une foule très émue. Chants et danses ont agrémenté ces moments de liesse qui ont duré jusqu’à tard dans la nuit.
Des habits de fête
Le lendemain, chacun a revêtu ses habits de fête. Au stade municipal, où a lieu l’évènement, les groupes traditionnels et les chorales sont arrivés longtemps en avance. Ils égayent les invités et la population par leurs chants et danses avant le lancement de la cérémonie. Enfin, tout est prêt : les autorités politiques, religieuses, militaires, les élites et la communauté kapsiki venues de plusieurs villes du Cameroun et des villages environnants sont au rendez-vous.
Chaque intervention est ponctuée de chants et de danses, avant le moment tant attendu : l’arrivée de la Bible. Elle reçoit l’honneur dû à un roi. L’enfant qui tient la Bible enveloppée est lui-même porté par deux hommes. Un groupe de personnes l’accompagne dans une procession solennelle avec des chants. La Bible est remise au directeur général de l’Alliance biblique du Cameroun qui va la dévoiler aux quelque 5000 Kapsikis présents, après les avoir exhortés à en faire bon usage.
Le maire ne cache pas sa joie. Pour lui, la dédicace de la Bible en kapsiki arrive au moment où les Kapsikis ont plus que jamais besoin de connaître leur Créateur – et la langue maternelle est incontestablement la plus indiquée pour ce faire. Il exhorte donc tous les Kapsikis, qu’ils habitent dans la région ou qu’ils l’aient quittée, à apprendre à écrire et à lire leur langue pour la préserver et préserver ainsi leurs racines mêmes.
A genoux devant tous
Une collecte est annoncée pour permettre aux Camerounais qui n’ont pas encore la Bible dans leur langue d’en jouir également. Le pasteur Kodji Yohanna, le tout premier à apporter une contribution d’un million de francs CFA (environ 1725 dollars US), émeut l’assistance lorsque, à genoux devant tous et levant la Bible, il remercie Dieu.
Faveu, une des nombreuses personnes venues acheter la Bible à l’issue de la cérémonie, manifeste son contentement. « C’est une fierté, lance-t-il. Je vais en faire mon oreiller, je la lirai tous les jours, en tout temps ». – Et, déjà, il se plonge dans sa lecture.
Il y a quelques mois, un pasteur kapsiki, le pasteur Kodji Nouhou, avait déclaré par la foi : « Il n’y aura aucun problème, la célébration aura lieu ». Et malgré les considérables problèmes sécuritaires, elle a bien eu lieu, et a attiré des milliers de personnes. Pour le directeur général de l’Alliance biblique du Cameroun, c’est un pari gagné et un grand sujet d’action de grâces.